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La fée sur mon berceau ...... suite !!!


-          « Alors, Monsieur Yfig, combien ? »

Ca faisait longtemps qu’il ne m’avait pas servi du ‘Monsieur’. A tout hasard, je lance :

-          « 1500 euros. » J’ai surtout pensé à la jaguar et multiplié le prix auquel je pensais par trois.

-          « Voyons, Monsieur Yfig, soyons sérieux, je ne peux tout de même pas annoncer un prix aussi bas à mon client, il serait trop déçu ! »

A mon air ébahi, il comprend que je suis égaré.

-          « Tout ce que je peux vous dire, c’est que mon client fait parti du ‘show-biz’ et que 1500 euros ce serait …. Comment dire ……. Comme l’aveu d’une faute de goût de sa part, il n’achète jamais rien qui lui plaise à si petit prix .»

-          « Eh bien dites-moi ce que je dois en demander, je n’ai pas l’habitude, de mon côté, de mettre un prix surestimé à mon travail. »

-          « Disons 6000 euros, et je compte sur votre discrétion pour que tout ceci reste entre nous. »

-          « D’accord . »

Le pire, c’est que ce vaurien est capable de se mettre lui-même en valeur en prétendant avoir négocier ‘à mort’ un bon prix !!!

Il fait son chèque pendant que j’emballe avec le plus grand soin l’objet qui vient de prendre une valeur que je ne lui attribue pas.

 ‘Show-biz’, qu’est-ce que ça peut bien vouloir dire ? Pourquoi la personne en question souhaite si ardemment conserver l’anonymat ?

Six mille euros !! Jamais je n’aurais osé demander une telle somme. Bof, après tout, si ça peut lui faire plaisir, je ne vais tout de même pas faire le difficile.

Mais le doute m’assaillit de nouveau et je ne pouvais trouver qu’une seule raison à l’incognito de mon client : il ne voulait pas que je me fasse de la pub sur son nom.

Nous avons passé une bonne soirée, assez surréaliste, certes, avec tout plein de questions sans réponses.

comme on dit : le fric n’a pas d’odeur et quand il permet d’améliorer l’ordinaire …..

 

Le dimanche fut tout ce qu’il y a de plus ordinaire amélioré.

La semaine suivante aussi.

Les premiers jours, nous attendions que résonne le téléphone, mais ce n’était que la famille ou les amis.  Plus rien ne se passait, mais n’était-ce pas l’habitude ?

A la maison, tout le monde est habitué à ce que des interlocuteurs lointains et anglophones entretiennent avec moi de longues discussions souvent très techniques, quelque soit le jour de la semaine. 

C’est donc sans hésitation que ma femme me tend le combiné avec ce simple commentaire :

-          « une anglaise. »

Je vous traduis notre conversation initialement en Anglais:

-          « Allo ? »

-          « Oui »

-          « Puis-je parler à Yfig »

-          « Je suis Yfig »

-          « Bon, vous aurez peut-être du mal à le croire, mais je suis Sigourney Weaver »

-          « Enchanté, comment allez-vous ? »

-          « Vous n’êtes pas plus surpris que ça ? »

-          « Oui, je suis très surpris, mais je suppose que vous avez une bonne raison de m’appeler »

-          « Quelle heure est-il en France ? »

-          « Il est 19 heures »

-          « Oh ! je suis désolé, vous devez être à table ! »

-          « Non, pas déjà, nous préparons notre repas »

-          « Vous êtes occupé ? »

-          « Je suis toujours occupé, mais ne vous inquiétez pas, qui que vous oyez, je suis toujours disponible pour répondre à mes fans. »

-          « Donc, vous ne me croyez pas !!!!! »

-          « Si vous me disiez de façon directe le pourquoi de votre appel. »

-          « Etes-vous vraiment Français ? »

-          « Oui, mais j’ai travaillé aux States, et j’aime que l’on en vienne au but directement. »

-          « OK ! je suis Sigourney Weaver (au cas ou vous ne l’auriez pas vraiment compris) et ayant eu l’occasion de voir un de vos tableaux chez un ami Français à Nice, j’aimerais vous acheter un tableau que j’ai remarqué sur internet. »

Plus rien, désormais ne m’étonne et je réponds d’une voix assurée qui m’est étrangère

-          « Lequel ? »

-          « On ne peut pas dire que vous soyez impressionnable ! »

-          « Madame, je suis hyperémotif, ma seule défense est de ne pas le laisser transparaître.»

-          « OK darling, je suis particulièrement intéressée par votre tableau intitulé :    ’Cauchemar ordinaire’ »

La, je tombe de ma chaise !!!!!!!

-          « Mais je n’ai jamais mis ce tableau sur internet !!!! »

-          « Ah ? ! »

-          « Comment pouvez-vous connaître ce tableau ? Je ne l’ai jamais présenté à personne» Tout en énonçant cette évidence, je repense à l’avocat qui n’avait percuté que sur ce tableau et m‘en avait demandé le titre.

-          « Disons que je suis bien informée. »

Ce tableau n’en est pas un, c’est une étude, un travail dans lequel j’ai jeté tout le savoir faire que j’ai acquis tout au long de ces vingt années, une œuvre qui m‘est si personnelle que rien ni personne ne pourrait me déterminer à m’en séparer, un tableau pour lequel je n’ai compté ni les heures ni les efforts, une espèce d’anthologie de mes connaissances et de mon imaginaire.

-          « Madame, qui que vous soyez, ce tableau n’est pas à vendre. »

-          « Yfig, tout est à vendre, la seule vraie question est : à quel prix ? »

Elle me pousse dans mes retranchements et je n’aime pas ça !

-          « Je ne suis peut-être pas de votre avis »

Mais je sens que déjà je faiblis ! J’ai manqué d’affirmation, de conviction dans le ton de ma voix.

-          « OK, n’en parlons plus, et bonne chance ! »

Décidément, je suis le plus gros imbécile que la terre ait jamais nourri en son sein !!!!!!!

-          « …….. »

-          « …….. »

-          « Vous êtes toujours là ? »

-          « Oui …… et vous ?.. »

-          «  …. »

-          « C’est bien une question de prix, n’est-ce pas ? »

-          « NON , Madame, pas du tout. S’il est vrai que je suis flatté de l’intérêt que vous portez à mon travail, je sais que vous ne l’avez pas vu et que vous vous basez sur une référence sans vraiment savoir de quoi il retourne. »

-          « Je ne comprends rien, expliquez-moi »

-          « Vous me demandez de vous vendre un tableau dont vous ignorez tout ! »

-          « Mais non mon cher Yfig, j’ai vu votre travail chez Alain et son conseil nous a longuement parlé d’un autre tableau qu’il a vu et qu’il considère comme vraiment supérieur sur tous les plans à celui qu’Alain a acquis. »

-          « Alain ? Quel Alain ? »

-          «Mais vous êtes incroyable, ou vous jouez les ânes !!!! Alain Delon, bien sur, celui qui vous a acheté ‘jai rêvé d’Eve’. »

Purée !!!!!! c’est quoi c’t’embrouille ???? Alain Delon aurait donc acheté par l’intermédiaire de cet avocat mon ‘Eve’ !!! ??? j’en crois pas mon écouteur téléphonique !!!!

-          « Allo ! ça ne va pas ?»

-          « Si, si, je n’imaginais simplement pas que quelqu’un d’autre puisse être au courant puisque nous avions convenu d’une grande discrétion. »

Vlan ! je la joue ‘l’arroseur arrosé !’.

-          « Ah ! je comprends mieux, j’avoue qu’un instant je me suis posée des questions ! »

-          « Cela ne change rien au problème : ce tableau n’est pas à vendre, par contre, si mon travail vous intéresse, j’en ai tout un tas d’autres à céder. »

-          «  Yfig, c’est celui là que je veux et aucun autre. »

-          « Etes-vous seulement allée sur mon site internet ? »

-          « Je m’en fous de votre site, je veux ce tableau, un point c’est tout !!! Dites-moi votre prix et n’en parlons plus !!!!!!!!!!!!!!!!! »

Je sens que nous sommes au point de rupture. Mon seul échappatoire est de fixer un prix inaccessible.

-          «  Que diriez-vous de 20.000 dollars ? »

-          « OK, j’achète. »

Je suis foutu, et mon tableau avec ….

-          « Mais ….. vous ne l’avez même pas vu ! »

-          « Un deal est un deal, j’ai dit OK, vous ne pouvez plus revenir en arrière. »

-          « Je n’ai qu’une parole, mais je me méfie des entourloupes !. »

-          « J’envoie mon homme d’affaires par l’avion demain et il vous amène la somme en liquide. Craignez-vous toujours l’entourloupe ? »

Echec et mat !

-          « Comme je vous l’ai dit, et quoi qu’il m’en coûte, je suis un homme de parole, je lui remettrai le tableau contre la somme dite ! »

 

Un vrai cow-boy très baraqué, avec chapeau et boots est venu jusque chez nous pour nous remettre la somme en dollars : ces affreux billets verts. Ce grand, cet immense Goliath vient de m’arracher le cœur comme s’il m’avait arracher mon bébé. Un tableau, c’est comme un enfant, c’est la chair de notre intellect, c’est notre création, un peu, beaucoup, de notre vie, l’aboutissement d’un processus qui prend de la naissance à la mort, c’est notre corps et notre sang, c’est plus, c’est indescriptible ….incommunicable ….. incommensurable …. invendable ! Seul Satan pourrait être suffisamment perverse et imperméable aux sentiments les plus purs pour nous rendre coupable d’une telle infamie : abandonner son enfant !!

Tout en remâchant ces pensées d'apostate, je compte consciencieusement les petits billets de cent dollars, et j’essaie de me concentrer vers l’avenir. C’est que ça en fait des bocaux de pigments, des tas de brosses de bonne qualité, de canevas de lin, de spatules multiformes, de produits magiques, de perspectives créatrices, de jours heureux ….. ces vingt mille dollars !!!

Eh oui ! l’homme est ainsi fait que, sa progéniture à peine abandonnée à des mains impies, il s’auto absout en se justifiant par des chimères oniriques et idéalistes de perfection, de surpassement de soi, d’apogées célestes et fantasmagoriques.

Bon ! depuis, mon épouse a été également remarquée et est sollicitée de toutes parts.

Quant à moi, j’ai des clients sur les quatre continents.

 

Nous nous sommes organisés :

Nous avons récupéré un vieux carton d’emballage télé pour les ‘dollars’, un grand sac de voyage qui ne nous servait plus pour les ‘livres’, un valise en carton pour les ‘yen’, une autre en fer pour les ‘rials’ … en tout, un dizaine de réceptacles divers dans lesquels nous entreposons consciencieusement les monétiques de plus de dix pays.

Impossible de changer les billets en banque, on nous demanderait d’où provient cette manne, le fisc s’emmêlerait ainsi que tout un tas de sangsues sténophages, impossible de payer en dollars ou en ‘rand’ au supermarché, ni même chez le boucher.

Nous entassons tout cet argent sans trop savoir qu’en faire ? !

Eya ! j’ai fait une entorse, ce soir, j‘ai cherché comme un fou mon vieux PC et l’ai retrouvé, et me voici, tout dépenaillé et hirsute…. là, devant mon écran à vous narrer mes aventures et mésaventures dans le vain espoir qu’une âme concupiscente saura trouver le mot qui nous sauvera, nous tirera de ce faux pas, nous sortira de nos infinis tourments, nous éclairera de ses précieux, et non moins bénévoles, conseils et nous indiquera le meilleur moyen, donc sans risque, de placer tout cet argent qui, pour le moment, ne sert à rien et encore moins à personne.

 

Si vous avez cru à toutes ces sornettes, de deux choses l’une,  ou bien vous êtes très naïve / naïf, ou bien je raconte vraiment bien !